Histoire de Saint-Genest

Cette commune du val de Cher jouit d’une situation remarquable : un plateau culminant à 420 mètres au lieu-dit la Mallerée (au sud-est du bourg actuel) et s’abaissant jusqu’à la vallée du Cher, fortement encaissée en ces lieux (223 mètres d’altitude). Outre le Cher, les limites de l’ancienne paroisse sont en partie naturelles : ruisseau du Maréchal en bordure nord-est, ruisseau de l’Ours au sud. Le peuplement antique semble restreint, et c’est seulement à l’époque mérovingienne que l’on trouve une population autour d’un lieu de culte implanté au VIIIe siécle par les moines de l’abbaye de Menat.

Le vieux bourg et son église

Autrefois, nos ancêtres recherchaient, pour la construction de leurs bourgs, des sites défensifs en des lieux escarpés d’où l’on pouvait facilement surveiller les alentours. Tel est le cas pour le vieux bourg bde Saint-Genest, implanté sur un éperon rocheux dominant de plus de 80 mètres la vallée, profondément encaissée et toute en méandres à cet endroit – site sauvage, pittoresque, facile à aménager en vue de la défense et de la surveillance de la vallée du Cher.

L’examen de la topographie laisse penser que ce remarquable éperon a pu être facilement clos…
«On voit là un habitat très bien défendu autour de son église rustique et de son cimetière.» (Maurice Piboule, La Combraille.)

C’est en 1213 que l’on trouve pour la première fois mentionnée dans les textes, la vieille église dédiée à sancti Genesti (saint Genest ou Genis), possession de l’abbaye de Menat. Toutefois, selon certains auteurs (M. Fournier), l’implantation du bourg pourrait être plus ancienne, le patronage de saint Genest étant souvent l’indication de sites mérovingiens.

Selon la tradition, Genest, soldat de la milice impériale romaine, aurait vécu vers l’an 300. La légende dit que, pourchassé et tentant de traverser le Rhône à la nage, les flots se seraient écartés pour lui permettre de franchir le fleuve à pied sec. «Le choix de saint Genest indique bien qu’il est ici protecteur d’un gué (au débouché du chemin descendant de Lignerolles) et qu’il a pu y avoir un poste fortifié de surveillance de ce gué. Le saint était aussi invoqué pour les personnes en péril d’être noyées, ce qui n’était pas rare dans cette haute vallée du Cher.» (Maurice Piboule, op. cité)

Il subsiste quelques vestiges de la vieille église romane, située à l’heure actuelle sur une propriété privée. Elle se composait d’une nef terminée par une abside en hémicycle ; un clocher-pignon à deux baies, perpendiculaire à la nef en son milieu, surmontait le tout.L’élément le mieux conservé, la façade ouest, donne une idée de l’ensemble, dont l’aspect extérieur devait être fort plaisant. Décrivant le sixième panneau du polyptique de Notre-Dame de Montluçon, oeuvre de la fin du XVe siècle, Paul Dupieux, dans son livre La Province du Bourbonnais, note: «Le tombeau de Marie se détache dans un site ravissant de la vallée du Cher. On voit à droite une vieille église romane qui, avec son campanile carré, ressemble étrangement à celle de Saint-Genest.»

Au temps des seigneurs

Deux fiefs se partageaient le territoire de Saint-Genest

La seigneurie de Gouttières, en possession de Thomas Brandon de Combraille. On peut citer deux faits marquants. Tout d’abord, au cours de la guerre de Cent Ans, le chevalier Guillaume Brandon de Combraille est tué à la bataille d’Azincourt. Ensuite, «la rivalité entre les seigneurs de Molissou [Montluçon] et les Brandon était légendaire, sous le prétexte d’une rente dont le sire de Gouttières jouissait sur le château de Montluçon». (D’après Garmy.)

La seigneurie de la Mallerée, dont Saint-Genest fait partie depuis le XIIIe siècle. Le village a prospéré : en 1569, on dénombre 38 feux, soit 225 habitants. Le fief de la Mallerée est alors détenu par la famille Cordeboeuf-Beauvergier. Les dalles funéraires retrouvées dans l’église du vieux bourg datent de cette époque. La plus petite est anonyme, ne comportant qu’une croix sculptée et un blason. La plus importante, d’une masse de 800 kilos, recouvrait la sépulture de Louise de Léontoing-Montgon, épouse de Bénigne, seigneur de Beauvergier, la Mallerée et la Faye. Celui-ci, qui participait à la guerre du Piemont lors du conflit opposant Henri II et Charles-Quint, blessé d’un coup d’épée, décéda le 5 février 1552 à Cavignan (Italie). Sa compagne lui survécut quelques années, puisque la dalle recouvrant sa sépulture porte la date de 1566. Une croix bien conservée et sculptée sur les trois quarts de la longueur, ainsi que le blason de la famille Léontoing-Montgon ornent d’autre part cette pierre tombale.

Au XVIIIe siècle, la paroisse du vieux bourg semble encore vivante : on dénombre 400 habitants en 1686 et, en 1704, les registres paroissiaux font ressortir 209 communions célébrées ; enfin, de grandes réparations sont éxécutées en 1710. Cependant, à la veille de la Révolution, il semble que le vieux bourg ait perdu une partie de sa population au profit du hameau de Busseuille, dans une zone moins accidentée et plus accessible.

Saint-Genest se déplace

Au XIXème siècle, les considérations stratégiques ayant conduit au développement du Vieux Bourg ne comptent plus et le choix d’un bourg-centre est lié davantage à la proximité des routes. C’est ainsi que le nouveau Saint-Genest, avec son église et sa mairie, va s’établir à quelque 200 mètres de la route Montluçon-Evaux sur la rive droite du Cher, à 10 kilomètres de Montluçon.

Durant la décennie 1870-1880, la commune a vendu la vieille église à deux agriculteurs de la commune. La somme retirée de cette vente a permis de financer partiellement la construction du nouveau bourg (église, école, mairie).

La vieille église de Saint-Genest a, depuis lors, servi de dépendance agricole et de bergerie. Elle tombe peu à peu en ruine. En 1946, sa toiture disparaît, les tuiles serviront à recouvrir les maisons voisines daont la toiture a été détruite par un orage de grêle. Enfin, le reste de la charpente disparaît à son tour en 1990, à la suite d’un incendie.

Le nouveau bourg, longtemps squelettique, se développe depuis quelques années. La rénovation de la mairie, la construction d’une salle des fêtes et l’implantation d’un lotissement témoignent de sa vitalité et du dynamisme des édiles locaux.

Jacques BROSSET – “En passant par la Combraille”